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12/04/2023 Interview Claire Brard et Viviane de Vesscheringe 

Interview Claire Brard et Viviane de Vesscheringe

Culture

Claire Brard et Viviane de Vesscheringe ont travaillé toute leur vie dans la mode. Désormais basées dans le Sud, mais toujours actives sur la scène de mode franco-méditerranéenne, elles ont décidé de publier leurs mémoires professionnelles, comme un livre ouvert (et auto-édité) qui plonge le lecteur dans une vie faite de passions, d’étoffes luxueuses et de voyages créatifs entre soieries, Saint-Tropez, et la Rive Gauche. Le livre lui-même devient un voyage dans le temps et dans l’histoire de la mode, à la fois révolue et éternellement mythique, qu’elles commentent avec un regard certes passionné mais également capable d’une fine analyse que seuls les professionnels ayant passé leur vie à oeuvrer pour le secteur sont capables de fournir. Toutes deux, elles ont tour à tour étaient attachées de presse, chargées de communication, créatrices, mécènes,… Au fil des années 1960 jusqu’à aujourd’hui elles ont côtoyé l’univers de la mode et ses multiples possibilités.

À l’occasion de la publication de Je suis le carnet de Claire Brard et Viviane de Vesscheringe, les autrices reviennent en exclusivité pour le Fonds de Dotation Maison Mode Méditerranée, sur leur parcours exceptionnel et distillent des extraits de leur livre, récit de mode unique et précieux.

 

En 1967, vous organisez le premier voyage de presse mode au Maroc. En quoi était-ce un défi à cette époque de faire sortir les professionnels de la capitale française ?

Ce n’était pas un défi. C’était simplement dans l’air du temps : Viviane de Vesscheringe et moi-même nous rentrions d’un Noël enchanteur à Marrakech. Notre client était un bon fabricant anonyme ; après le succès de mon lancement de la mini jupe pour Harry Lans* , le roi de la mini-jupe en France (ceci fait partie d’une histoire que j’écrirai plus tard, avant 1967) il s’adressait à notre bureau dans le même but. Paris est tout petit pour ceux qui souhaitent la notoriété ! Le ministre du Tourisme Marocain s’intéressa à notre proposition de surprendre la presse parisienne par une invitation d’un séjour-mystère de trois jours à Rabat à l’hôtel Hilton. Avec le concours de royal Air Maroc, nous invitions les rédactrices et rédacteurs de la presse mode française (Le Figaro, France Soir, Vogue, l’Officiel, Elle, Marie Claire, Radio Luxembourg, etc), la cabine de mannequins, les coiffeurs,… Nicole Croisille faisait partie du voyage, célébrée alors par son succès récent [pour son rôle dans le film Un homme et une femme, 1966]. Notre intention était d’offrir à nos invités l’occasion de découvrir les artisans de la Kasbah, d’y faire leur shopping, d’être conviés au thé royal offert dans le jardin des Oudayas sous les caméras de la télévision, le tout en ignorant le sujet de l’invitation. Ce mystère se révéla le dernier jour au cours du défilé de cette collection  dans le cadre enchanteur des salons du palace et la présentation d’un nouveau roi de la jupe, Harry Lans, dont nous avions stylisé la collection, créé la griffe et préparé le dossier de presse (couverture, texte, dessins et photos) distribué à nos invités dans l’avion du retour. Non seulement la presse féminine découvrait un nouveau nom du prêt à porter, mais aussi ce pays influencerait désormais leurs publications (prises de vue, accessoirisation, ambiances). La mode du Maroc débutait.

 

1967. Maroc : traversée de l’oued Souss en décembre

 

Vous avez collaboré avec nombre de créateurs méditerranéennes célèbres dont Paco Rabanne et Etro. Avez-vous observé des spécificités dans leur manière d’envisager la mode ?

Collaborer avec Paco Rabanne n’est pas le terme que je choisirais. En effet, dans ces années 1964-65-66, nous nous croisions dans un univers en gestation sans savoir vraiment où l’avenir nous conduirait. Nous avions besoin de gagner notre vie en accord avec nos aspirations, d’innover,… Comme un prémonition de mai 1968, nous étions bohèmes et créatifs ! Nous étions à proximité de l’atelier de Paco, assistions au défilé de présentation en compagnie de la toute débutante Françoise Hardy avec sa guitare. Pour cette boutique, j’avais choisi parmi les premiers accessoires de Paco Rabanne une visière en raphia, première pièce parmi les boutons haute couture de sa collection. Je la présentais à Edmonde Charles-Roux qui la publia en couverture de Vogue au printemps.

Ce fut sa première parution dans la presse : pas de contrat, simplement un geste amical. Plus tard, je lui proposais de créer les rideaux de cabines d’essayages et le lustre de  la boutique Popard rue du Bac, pièces spectaculaires réalisées en billes d’acier,  puis un immense rideau de fond de galerie qu’il réalisa dans l’esprit de ses robes en rhodoïd articulé orange (Boutique Gaieté 33).  Paco, architecte de formation, contraint d’abandonner ses études, transposait ses aspirations en créant des sculptures pour le monde de la mode. Visser, riveter, découper le métal et le rhodoïd pour créer des modèles impensables, métamorphosant  ainsi les jeunes femmes en Polly Maggoo, ce qui inspira tant William Klein et qui nous emballait par son audace. La signature d’une mode futuriste.

 

La Soierie Lyonnaise voile de soie (Maison Chavanis) Robe Papillon modèle de vesscheringe-brard pour C.P

 

Années 70. Vous vous rendez sur les rives du Lac de Côme pour collaborer avec ceux que vous appeliez les « Princes de la soie ». En quoi les soyeux italiens de cette génération développaient une maitrise exceptionnelle ? 

Leur maîtrise ? Comment pourrait-on dire ? Ce sont eux qui la définirait le mieux. Encore une fois : l’air du temps. Impalpable source de désir, de séduction, de légèreté, de sensualité, de fantaisie et de beauté. Autant de sentiments qui guidaient notre collaboration ainsi qu’une profonde indifférence au marketing. Princes de la soie ? Héritiers modernes d’une admirable tradition, ils cultivaient respectueusement l’héritage familial et les techniques artisanales avec élégance et jeunesse. Ils sont venus vers nous. Nous découvrions des collections inattendues, un langage commun, des propositions correspondant à nos attentes et, surtout, leur enthousiasme à nous proposer des dessins  en exclusivité sans contraintes, aussi bien sur soie que sur laine. En pénétrant dans les ateliers du lac de Côme, nous avions l’impression de pénétrer dans un atelier d’artiste en relation d’artisan à artisan. C’était un enthousiasme partagé et fécond.

 

Quelle a été l’importance de Marseille et de la Côte d’Azur dans votre vie professionnelle ? 

Dans les années 70, le monde de la rive gauche venait à nous, et celui de la rive droite  s’y « aventurait ». Tandis qu’à Saint-Tropez, tout le monde vient vers nous facilement. Mais quitter Paris fut une décision douloureuse. Tout nous reliait en pensée à Paris.

L’attrait de la Provence et de nos brefs mais lumineux moments d’évasion à Ramatuelle nous ont conduites petit à petit du congé sabbatique à une nouvelle vie sur les rives de la Méditerranée. Marseille représentait le souvenir de mes 18 ans lorsqu’après La descente des Cévennes vers Nimes. La découverte de Marseille me fascinait par sa lumière, son exotisme, ces contreforts calcaires, et là-haut Notre-Dame de la Garde. J’y voyais là une sorte d’Acropole.

La Méditerranée, Viviane, parisienne née dans l’Île de la Cité, découvrait à 13 ans la ville de Cannes et s’était jurée d’y retourner et d’y vivre un jour. Plus tard, elle devait s’embarquer pour un tour du monde à voile au départ de Cannes vers Athénes derniere escale en Méditerranée.

Ce choix de vie ne favorisait pas  notre avenir professionnel. La Chambre syndicale de la couture Côte d’Azur fusionnait la même année avec la chambre syndicale parisienne du prêt-à-porter. Est-ce cette lumière méditerranéenne, ce tellurisme, qui nous donnait l’énergie de recommencer ?

C’est pourtant de cette presqu’île, que sans téléphone portable ni ordinateur, tout est reparti. Collaboration avec le  bureau architecture de Bouygue, création de chapeaux pour Hermès, bijoux de tête pour Mr Alexandre de Paris, pour la cour du Maroc, création d’uniformes pour l’Hôtel Byblos le palace de saint-Tropez, collections pour la maison Vachon, collections de lunettes, commandes de robes uniques pour des événements uniques, mises en scène de soirées privées, création de soirées prestigieuses dans le but de relancer le quartier de l’Eglise de Saint Tropez, ouverture de la boutique Palmyre Saint-Tropez chez Jeannette à Saint Germain-des-Pré,… Puis, nous sommes allées à Monte-Carlo pour une collaboration flamboyante avec Joy à qui nous donnions l’exclusivité Palmyre ! Enfin, à Marseille, où par hasard devant l’Opéra nous avons retrouvé notre amie Paule Pluskwa, qui était auparavant le mannequin d’Harry Lans – roi de la mini jupe dont j’avais fait le lancement -. Paule choisissait dans nos collections des robes bustier, des ensembles romantiques en broderie anglaise, des chapeaux et bijoux. La boutique Vogue exposait également nos bijoux.

Nos clientes marseillaises rejoignaient la petite maison de couture Palmyre place de l’Ormeau à Saint Tropez pour des créations uniques : robes de mariées, de cocktail, des chapeaux et des accessoires. La période de l’Avent à Marseille nous enchantait : ce ciel étoilé, la vue de notre hôtel sur le Vieux Port le soir. Une magie dépaysante qui influencerait à cette époque nos collections d’été : robes d’inspiration XVIIIe, redingotes à fleurs et  chapeaux de paille. L’ouverture du musée de la mode sur la Canebière, avec l’exposition consacrée à Mouna Ayoub, nous reliait enfin aux plus belles créations des ateliers de haute couture parisiens.

1987-88 Collection plexiglass et cristal pour Bullogh’s Hollywood (dessin devesscheringe-brard pour Votre Beauté) Palmyre Saint-Tropez

 

 

Quels sont les changements que vous observez dans la mode entre l’époque à laquelle vous y travailliez et maintenant ? 

Nous y travaillons toujours. On nous demande souvent de rééditer nos modèles !

C’étaient des années de liberté et d’invention avec une grande fluidité des contacts. Jusqu’aux années 90, la mode était spontanée, joyeuse, imaginative, empreinte de culture. On observait un mariage heureux des Créateurs et des boutiques de charme, des rayons style des grands magasins. Une exportation en direct où, chaque saison, créateurs et  acheteurs se retrouvaient dans les bureaux d’achats de négociateurs d’exportation tels AMC. Nous travaillions énormément, portées par le désir de donner le meilleur de nous-mêmes sur un mode artisanal. Les industriels nous sollicitaient.

En revanche, à partir des années 1990, actionnaires, algorithmes, comptables dictent les rôles. L’industrie de luxe mondialisée nécessite tant de designers, intermédiaires, employés de marques, d’enseignes ! La signature est  souvent plus  attractive que  le produit. Donc nous voilà confrontées aujourd’hui à la prise de conscience de notre responsabilité face à l’ultra-consommation, le jetable, et les influenceurs !

Extrait sur « L’adieu aux boutiques de charme » du livre Je suis le carnet de Claire Brard et Viviane de Vesscheringe (édition indépendante, 2023):

« Ouvrir une nouvelle boutique à Saint-Tropez ? Même pas envisageable, depuis que les groupes de luxe investissaient dans le village. En France dès la n des années 1990, nos meilleurs clients-boutique fermaient les uns à la suite des autres, dépossédés peu à peu des collections de créateurs parisiens, quils avaient contribué à lancer. Ils avaient la foi, la passion de la mode, et surtout le courage de prendre des risques nanciers en délisant une clientèle, qui à chaque saison, venait ou pas impatiemment découvrir leurs nouveaux modèles, dont ils détenaient lexclusivité. Désormais le temps du shopping mondial appartenait aux groupes dominant le marché du luxe. »

 

NUMERO SPECIAL NÔEL 1990 (par Marie-Clémence Barbé-Conti)

 

Quel conseil donneriez-vous à un jeune créateur de mode ? 

Quelle question !  Notre souhait de créer une école du beau nous tient à cœur : accueillir les très jeunes gens afin de les conduire à exprimer leur créativité et la cultiver.

Viser haut ! Être un artiste, avoir la passion de son métier ! Mais, aussi : développer son travail sans indulgence, en faire un objet de convoitise,  susciter les demandes. Ce qui passe par le fait de developper une culture artistique et manuelle, qu’il s’agisse de dessiner, écrire, couper, coudre. Évidemment, il faut aussi étudier l’histoire pour ne pas céder aux modes et offrir le meilleur de soi-même. En parallèle, il est important de se constituer un réseau de clientes de proximité. Mais, bien sûr, tout dépend de la personnalité de chacun.

Parmi ceux qui sont venus vers nous, certains nous répondaient  qu’ils faisaient cela pour devenir riches ! D’autres hésitaient dans le choix de leur école. Nous leur conseillions alors la chambre syndicale de la haute couture pour ceux tentés par les métiers de la couture, ou les écoles à l’image de la Central Saint Martins school et La Cambre pour ceux préférant le  stylisme industriel.

 

Véronique en paille sauvage ornée de macarons en vannerie et CrazyCoco Bocles d’oreilles en motifs vannerie et nacre

 

 

 

 

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