07/04/2023 Corinne Vezzoni – Architecte
Corinne Vezzoni, une architecte, un lien fort avec la Méditerranée
Culture, Ami.e.s du Fonds
De votre enfance au Maroc que conservez vous comme souvenirs ?
Tout d’abord, comme toute enfance, le souvenir de la liberté et des jeux. Mais surtout au Maroc, de la douceur.
La végétation luxuriante, les bruits incessants de la ville et des cris des marchands ambulants.
Le cour de la journée rythmé par les chants du Muezzin et les parfums .
La végétation luxuriante, les bruits incessants de la ville et des cris des marchands ambulants.
Le cour de la journée rythmé par les chants du Muezzin et les parfums .
Casablanca, Marseille en quoi ces deux villes ont elles influencé votre esthétisme ?
Casablanca, ville blanche, est une citée héritée de la modernité. Les architectes y ont toujours expérimenté de nouvelles techniques et une attention à l’usage qui n’existait pas encore en France à cette époque la. Marseille est une ville modelée sur une topographie puissante. Elle a du s’adapter à sa géographie, ce qui la rend complexe et multiple. Elle cultive la relation à l’horizon. Chacune de ses deux villes a nourrit mon imaginaire. Nos projets sont toujours attentifs et révélateurs de la topographie, mais ils racontent également l’intériorité et le mystère. Ils ne donnent pas tout à voir du premier coup.

A quel moment avez -vous fait le choix de devenir architecte et pourquoi ?
Arrivant du Maroc, je dois dire que j’ai plutôt choisi de rester proche de la Méditerranée avant même de choisir ma voie… Comme souvent, ce sont les rencontres qui précipitent des vocations. Pour ma part, ce fut celle d’une enseignant charismatique.
Vous dites que trois sujets vous obsèdent à l’agence, l’épaisseur, la matière la texture comment y répondez – vous ?
L’épaisseur, cela consiste à augmenter au maximum l’épaisseur de la peau du bâtiment. Ce qui permet le cadrage et la misse en scène des vues tout comme à travers un objectif, mais aussi à réguler les apports thermiques du bâtiment.
Plus la façade a de la masse, plus elle est étanche aux températures extérieures. L’été les rayons ne pénètrent pas dans le bâtiment, à l’inverse l’hiver les rayons plus rasant réchauffent le coeur de l’édifice.

La matière et la texture sont étroitement liées. Tantôt je cherche à travailler avec des matières brutes mates, sans ornement, rugueuses et primitives (exemple, le centre de conservation du Mucem ou le CFA de Mallemort). Tantôt il s’agit de travailler la légèreté, le raffinement et les reflets (par exemple, l’immeuble de bureaux Thémis sur le périphérique parisien ou les cylindres du campus the camp).

Y a t’il un parcours identitaire et des valeurs partagés entre la mode que vous aimez particulièrement et l’architecture où vous vous exprimez ?
Je crois que ces 2 disciplines se retrouvent à bien des titres. Je prendrai pour exemple Issey Miyake, couturier dont je ne porte pas forcément les vêtements, mais dont j’admire le travail. Il traite de sujets qui me sont chers; le volume, le pli qui joue avec la lumière, la sculpture dans l’espace, bref les trois dimensions.
Il y a souvent chez les couturiers des thèmes que nous architectes utilisons fréquemment : opposer un matériau très simple à un autre très sophistiqué, l’un révèle l’autre et inversement.
J’apprécie particulièrement le travail du Belge Dries Van Noten qui explore la dissonance des couleurs, le relief du tissu et les références à l’histoire de la peinture.
Je pense aussi à la jeune styliste Esther Manas qui ne travaille pas sur des modèles normées mais aborde la question de la diversité des morphologies. C’est bien ce que nous traitons en architecture : s’adapter au contexte et répondre au cas par cas.
“Je pourrais rajouter que le rapport à l’artisanat et l’artisanat d’art se retrouvent dans l’univers de la Haute Couture et de certains projets architecturaux.”
La majorité de marques méditerranéennes lauréates de notre Fondation ont pris en compte l’éco-responsabilité comme en architecture. Comment analysez-vous cette prise de conscience?
Cette prise de conscience s’est révélée dans toutes les activités humaines. Nous sommes tous confrontés à cette question. Pour notre part, nous essayons d’utiliser des matériaux produits localement, de minéraliser au minimum les sols, d’optimiser les orientations du bâtiment pour utiliser l’énergie du soleil et stocker l’eau. Enfin en Méditerranée où la topographie est très forte, nous tentons très souvent d’encastrer une partie du bâtiment dans la terre pour profiter pleinement des échanges thermiques.
Tout comme dans l’univers de la mode, nous tentons le réemploi, le recyclage ou le détournement de certains matériaux.
Cependant, au-delà de la question environnementale, restera à mon sens la question de la beauté. L’homme sera toujours sensible à une oeuvre d’art qui défit le temps. Il en sera toujours ainsi pour la mode et l’architecture.
A-t’elle aussi fait évoluer votre garde robe ?
Il me semble que pour ma part, ce qui a évolué, c’est le lieu de fabrication du vêtement. J’essai d’être attentive aux produits créés et fabriqués en Europe.
Vous faites parties des Ambassadrices de la Maison Chanel, partenaire et administrateur du Fonds de dotation MMM pouvez-vous nous en parler ?
La Maison Chanel a initié un groupe « d’ambassadrices » constitué de femmes d’univers professionnels très différents (politiques, chefs d’entreprise, chercheuses, écrivaines, artistes…) qui se retrouvent autour d’évènements particuliers. C’est passionnant de partager et de croiser des démarches multiples. Chanel a réussi à créer une grande famille qui a tissé des liens amicaux et qui véhicule la marque différemment.

Les métiers de créateurs de mode et ceux de l’architecture ont des fondations communes à la fois culturelles et de transmission des savoir-faire. Enseigner est-il important dans la vie de l’architecte Corinne Vezzoni ?
J’enseigne à l’université Aix Marseille, ainsi qu’occasionnellement dans d’autres écoles. L’exercice du projet se pratique bien différemment avec des étudiants : il faut argumenter, avancer des références, les décrypter pour faire passer le message. Etre obligé de démontrer ou d’expliquer nous mène à puiser au plus profond de nous mêmes. On ne triche pas dans l’enseignement. Le rapport aux aspirations de la jeunesse est toujours vivifiant.

Vous suivez depuis plusieurs années la Maison Mode Méditerranée.
Une de ses missions est de révéler et de fédérer à partir de Marseille le renouveau d’une identité stylistique Méditerranéenne. Quel regard portez-vous sur ce parti-pris géographique ?
Vous rejoignez les Ami.e.s du Fonds de dotation MMM, pourquoi ?
Je dirais que c’est ce parti pris qui m’a peut être le plus encouragé à participer à votre grande famille. Je pense qu’il faut continuer à lutter contre la centralisation et faire fructifier des identités innovantes autour des questions méditerranéennes.
Je sais combien il est difficile de garder une visibilité et de tenir le cap loin de la capitale mais les questions environnementales peuvent changer la donne.