13/03/2023 « Savoir-faire textiles en Méditerranée », une exposition Itinérance Méditerranée x Mucem

Photo Anne Loubet : Bruno Suzzarelli Directeur Général, Maryline Bellieud Vigouroux et Thierry Fabre responsable de la programmation et des relations internationales.
A l’occasion de la visite de l’exposition «Savoir-faire textiles en Méditerranée», co- organisée par le Mucem et l’association boursière Itinérance Méditerranée, Maryline Bellieud Vigouroux Présidente du Fonds de dotation Maison Mode Méditerranée nous ouvre les archives de la Maison Mode Méditerranée .
Depuis 2012 la collaboration entre le Mucem, le Centre de Conservations et Ressources et notre institution s’est inscrite dans la durée.
Cette photo est prise un an avant l’inauguration en 2013 du Centre de Conservation et de Ressources signée par l’architecte marseillaise Corinne Vezzoni. La revue MMM le Magazine réalise un portait ” Jeux de regards “entre Maryline Bellieud Vigouroux MMM, Bruno Suzzarelli Directeur du Mucem, Thierry Fabre responsable de la programmation et des Relations Internationales.
Extraits, ” Dès l’entrée du Vieux Port le Mucem va donner une adresse à la Méditerranée et la mode y aura sa place ” André Azoulay, Conseiller de sa Majesté le Roi du Maroc, et membre de la Maison mode Méditerranée.
” Le Mucem rend sa légitimité à Marseille, enfantée par la Méditerranée. Son installation ici est une évidence. La mode doit y trouver sa place car elle aborde tous les aspects, sociologiques, ethnologiques, transculturels, créatifs et d’échanges. ”
Maryline Bellieud Vigouroux
« Nous avons besoin de comprendre ce qui se passe en Méditerranée. Le Mucem est la première institution dédiée à cet enjeu sociétal.”
Bruno Suzzarelli
« Dans la mode, il y a mode de vie, l’économie aussi et l’artistique, bien sûr. Les trois dimensions nous intéressent. ”
Thierry Fabre
Dans le cadre de l’exposition en cours «Savoir-faire textiles en Méditerranée», co-organisée par le Mucem et l’association boursière Itinérance Méditerranée, le Fonds de Dotation Maison Mode Méditerranée propose un entretien exclusif avec Raphaël Bories, Alexia Tronel, et Caroline Perdrix qui retracent le parcours des ex-voto créés et dévoilés pour l’occasion.
Alexia Tronel est diplômée en économie et développement international à l’Université de la Sorbonne ainsi que d’un Master en « International Relations & Development Studies » de l’Université de Melbourne. Caroline Perdrix, diplômée de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne, est directrice artistique. Ensemble, elles ont fondé en 2018 l’association Itinérance Méditerranée.
Raphaël Bories, conservateur et responsable du pôle « Croyances et religions », a rejoint le MUCEM il y a bientôt trois ans. Comme il le précise, la spécificité du Mucem réside dans sa capacité à laisser ses équipes explorer leurs propres terrains de recherche et d’expérimenter de nouveaux projets, comme l’exposition « Savoir-faire textiles en Méditerranée » dont le Fonds de Dotation Maison Mode Méditerranée est partenaire.
L’entretien a eu lieu au sein du Centre de Conservation et de Ressources du musée.
Le CCR, bâtiment du Mucem inauguré en 2013 dans la cadre de Marseille Capitale Européenne la Culture, a été créé par l’architecte Corinne Vezzoni, amie du Fonds de Dodation MMM.
En tant que scientifique, quel regard portez-vous sur la mémoire et le futur des traditions textile et des savoir-faire ?
Raphaël Bories : ” La question des savoir-faire est très actuelle car nous envisageons la création à une époque où les possibilités techniques sont multiples au point que l’on peut sauter l’apprentissage ou la connaissance d’étapes créatives. Nous regardons donc les créations passées à partir de notre positionnement moderne afin de se demander quelle est la plus-value de la maîtrise de ces savoir-faire traditionnels et ce qu’ils apportent de supplémentaire. Je pense que nombre de réponses à ces questions se trouvent dans les collections patrimoniales comme celle que nous avons au Mucem qui permet de s’interroger sur la matérialité de manière très concrète en approchant des témoins physiques de ces créations passées. En regardant ce patrimoine et la mémoire qui l’accompagne, on peut rentrer à nouveau dans le secret des savoir-faire et saisir tout ce qu’ils peuvent apporter à notre époque. ”
Qui-y-a-t’il d’innovant dans la démarche de Caroline Perdrix et Alexia Tronel, boursières du Fonds de Dotation MMM pour leur association dédiée à l’artisanat de mode méditerranéenne Itinérance Méditerranée ?
Raphaël Bories : ” Beaucoup de choses, dont leur attrait pour les savoir-faire, évidemment ! Mais il y a un point sur lequel je souhaite insister et qui m’a particulièrement séduit c’est le contexte dans lequel elles font perdurer ces savoir-faire, en immersion culturelle, ainsi que les dimensions sociales et de transmission patrimoniale de leur association Itinérance Méditerranée. Mêler les questions socio-politiques à celle de création et de maîtrise des savoir-faire afin d’insérer toutes ces dynamiques dans un contexte plus large donne un sens profond au travail d’Alexia et Caroline. Leur manière de travailler qui s’accompagne d’un travail documentaire permet encore d’enrichir les ressources concernant les savoir- faire traditionnels. C’est pour tout cela que ce partenariat avec le Mucem relevait d’une évidence. Le succès de l’exposition « Savoir-faire textiles en Méditerranée » que nous avons co-organisé s’explique aussi du fait du travail de documentation qu’elles réalisent à chacune de leurs enquêtes créatives auprès d’un savoir-faire méditerranéen et qui correspond de très près au travail des anthropologues et ethnologues qui a nourri les collections du Mucem. ”
Qu’est ce qui vous a séduit dans le parti-pris de transmission et de préservation d’héritages divers mis en place par Itinérance Méditerranée ?
Raphaël Bories : “Notre objectif commun est de s’intéresser à l’Autre et aux autres cultures par le prisme des savoir-faire. La collection s’y prête particulièrement car elle contient un héritage historique d’un passé parfois totalement révolu. Mais la collection, à travers le témoignage historico-créatif qu’elle apporte, à le mérite, à chaque qu’elle est revue par de jeunes créatifs, de renouveler leurs idées et d’ouvrir de nouveaux dialogues. La collection du Mucem aide à mettre en rapport ancien et contemporain par le prisme de continuités, oppositions, et parfois même ruptures. Travailler avec de jeunes créatifs fait partie des raisons pour lesquelles il est nécessaire de conserver la collection..”
Comment avez-vous travaillé particulièrement autour des ex-voto ?
Caroline Perdrix : “J’ai découvert les ex votos lors d’un voyage en Italie à Naples il y a 15 ans, j’en avais vu dans plusieurs églises de la ville. Les ex votos Italien entre autres, sont des plaques argentées représentant des parties du corps, ils sont presque comme des bijoux et de par leur matière, ont un côté précieux. J’ai commencé à en collectionner, Puis au cours de mes différents voyages, comme en Inde, je me suis aperçue que la pratique votive est finalement très répandue, bien au-delà de la religion catholique.
Par la suite nous étions en discussion avec le Mucem depuis plusieurs mois pour savoir comment connecter notre projet à cette institution muséale consacré à la Méditerranée. À ce moment-là j’ai demandé à voir les archives du Mucem qui conserve un grand nombre d’ex votos de toutes sortes de typologie, c’est Raphaël qui me les a présenté. Et nous avions aussi été contacté par les étudiants de l’ENSAD, qui souhaitait mettre en place un partenariat avec l’association. Nous avons donc pensé à faire travailler les étudiants pendant plusieurs mois et dans toutes leur matière sur ce sujet : « À quoi rêvent les nouvelles générations ? »
L’ex-voto est avant tout une pratique, celle de demander ou de remercier. La pratique votive a toujours fait partie des cultures populaires et religieuses à travers le monde. Elle est matérialisée par différentes typologies d’objets. Tous ces objets, destinés à être placés dans des lieux de culte, sont les témoignages matériels de pratiques très anciennes, à la frontière entre la magie et la religion. Ceux de la collection du Mucem sont le point de départ du sujet de ce workshop comme introduction historique et conceptuelle. Ce sujet permet aussi de faire un état des lieux de ce que pense aujourd’hui cette génération qui fait face à beaucoup de problématiques, et encore plus en étudiant dans le secteur du textile et de la mode.”
Raphaël Bories : ” Nous conservons effectivement beaucoup d’ex-voto au Mucem. Comme le disait Caroline, cet objet à la spécificité de matérialiser des peurs et désirs. Il s’inscrit dans un cadre religieux très vaste et n’est pas un phénomène uniquement méditerranéen puisqu’il est conservé partout dans le monde depuis l’époque Antique. Ce qui est intéressant aujourd’hui, c’est d’inviter à créer autour de ces ex-voto et l’on observe vite à quel point le monde à changé. Au 19ème siècle, on rencontrait majoritairement des problématiques liées à la santé et aux accidents de la vie car le système médical était peu développé et l’accès aux soins restait très limité. Les incertitudes du quotidien étaient une préoccupation fondamentale. Aujourd’hui, avec le travail des étudiants de l’ENSAD, on se rend compte que les préoccupations sont plus vastes et prennent en compte des enjeux sociaux ou environnementaux. Les ex-voto prennent des formes différentes : estampés en métal, peints, sur cire etc. Ce serait intéressant de poursuivre ce dialogue avec d’autres étudiants qui auront assurément recours à d’autres supports. ”
Le Centre de Conservation et de Ressources du Mucem va-t il continuer à introduire dans sa programmation des collaborations avec des créateurs de mode ?
Raphaël Bories : ” Le CCR répond à des missions très variées. Notamment de montrer que les archives et les objets qui y sont conservés sont inscrits dans des contextes et pratiques culturels larges mais aussi que eux-mêmes peuvent servir de source d’inspiration à la création. Cette exposition organisée avec Itinérance va dans ce sens là, et une autre exposition au J4 également, qui portera sur les inspirations que l’on trouve dans la mode et la haute couture du 20ème siècle jusque à nos jours dans le costume traditionnel populaire dans toute l’Europe. La Méditerranée est un vaste terrain de jeu et il y a encore de nombreux espaces et terrains sur lesquels nous pourrons explorer les parallèles entre mode et savoir-faire historiques. ”
Caroline, Alexia, même si votre parcours a évolué, il reste fidèle à vos valeurs qui associent la Méditerranée et la mode, la place des femmes dans l’artisanat, ou encore la transmission des savoir-faire aux nouvelles générations en formation. Quel est le positionnement aujourd’hui d’Itinérance Méditerranée et son ambition pour la suite ? En quoi les bourses allouées par le Fonds de Dotation depuis quatre ans ont- elles participé à accompagner votre mutation ?
Alexia Tronel : ” Tout d’abord, nous avons beaucoup structuré l’association grâce à l’arrivée de Lorraine qui nous a rejoint en tant que directrice exécutive après avoir terminé l’Institut Français de la Mode (IFM). Nos trois missions sont les suivantes : pédagogique – que le Fonds de Dotation MMM nous aide à mener via son soutien financier depuis plusieurs années – ; sociale pour laquelle nous essayons actuellement de cartographier de nouveaux savoir-faire et de tous les intégrer ; et enfin la mission culturelle que nous voulons mener en développant de nouvelles éditions et expositions comme celle prévue pour 2024 autour de l’Albanie. Ce soutien du Fonds de Dotation MM est très important pour nous puisqu’il nous a permis de mener à bien nos objectifs dans plusieurs pays Tunisie, Grèce , Maroc et d’y associer des écoles de mode. “