05/10/2022 Le Tajima Fashion Tech Prize : retour sur l’histoire d’un prix de mode inédit
En 2017, le Fonds de Dotation Maison Mode Méditerranée initie le Tajima Fashion Tech Prize.
En partenariat avec le leader mondial de la broderie, la firme japonaise Tajima, les équipes de Tajima Europe sont d’emblée séduites par l’élaboration d’une bourse dédiée à la création contemporaine, l’artisanat de mode, et les nouvelles technologies. Sous l’impulsion de la Présidente Maryline Bellieud-Vigouroux, le Tajima Fashion Tech Prize né ainsi de la rencontre entre le siège Tajima Europe basé dans le Sud de la France et le Fonds de Dotation MMM qui oeuvre depuis trente ans à la mise en relation entre jeunes créateurs méditerranéens et innovations de mode.
Comme le rappelle le Directeur Général de Tajima Europe Franck Raynal :
« Ces projets entrepris grâce au Tajima Fashion Tech Prize permettent aux créateurs de se rendre compte du gain de temps opéré grâce aux machines de broderie industrielle. Les échanges avec les créateurs nourrissent ainsi nos propres évolutions techniques mais contribuent aussi à modifier leur vision de la création en leur apportant une connaissance des possibilités offertes par la broderie industrielle. »

Okhtein (Égypte, 2017) Réalisation d’une pièce unique de broderie dans le cadre du concours Open My Med Prize 2017.
Ainsi, au fil des ans, les créations se sont succédées suite à l’obtention du Tajima Fashion Tech Prize par les marques Okhtein (Égypte), Luis Carvalho (Portugal), Melissanthi Spei (Grèce), et Marija Kulusic (Croatie) en 2022.
Ces marques méditerranéennes entretiennent les spécificités artisanales qui ont fait la renommée de leurs pays d’origine. À titre d’exemple, Melissanthi Spei travaille la broderie manuelle sur fils d’or et s’inspire des drapés de la Grèce antique, et les soeurs fondatrices de la marque Okhtein travaillent en étroite collaboration avec des artisans égyptiens pour développer une maroquinerie de luxe qui ré-actualise le faste de la mode orientale. Aujourd’hui, la marque Okhtein collabore avec la maison Balmain. Quant au créateur portugais Luis Carvalho, le géant marseillais Kaporal vient d’annoncer une collaboration prochaine avec sa marque autour du jean recyclé.

Luis Carvalho (Portugal, 2018) Image de la broderie – Manteau porté

Prix OpenMyMed 2018 – Luis Carvalho dans le showroom Studio Auriga, Milan, Italy.

Dernier contrôle par la créatrice Melissanthi Spei qui a fait réaliser des broderies, dessinées par elle-même et inspirées de l’Antiquité, au fil d’or sur cuir souple.

Broderie – Melissanthi Spei
L’an passé, au sein du studio Auriga à Milan partenaire de Tajima Europe in Italy, Frank Raynal qui assistait aux étapes finales des broderies sur sac en cuir imaginées par Melissanthi Spei insistait sur le fait que « la nouvelle génération de créateurs est très connectée ! »
Le Directeur Général ainsi que les équipes d’ingénieurs techniques et brodeurs du studio avaient noté l’autonomie totale de la créatrice, qui est informée de toutes les étapes du processus de création au point d’en maîtriser tous les stades, même ceux qui sont informatisés.
En effet, cette nouvelle génération de créatif à grandi avec le numérique et se l’approprie de diverses manières dans ses créations, incluant désormais la science à ses temps forts, comme en témoignait le défilé Coperni à la Fashion Week de Paris, durant lequel un scientifique a créé en direct une robe sans couture et en spray.
En 2018, lorsque nous avions organisé le colloque à The Camp (Aix en Provence), la fondatrice de l’agence de tendances Nelly Rodi rappelait l’importance de la rencontre entre industriels et créateurs.
Un rapprochement que nous illustrons par notre collaboration avec Tajima depuis cinq ans et reconduite chaque année.
Mode et nouvelles technologies sont désormais au centre de l’attention et re-dynamisent l’artisanat à travers des savoir-faire multiples. L’exploration des innovations permet l’entretien et l’évolution de techniques ancestrales.
Publié, le 5 octobre 2022.
NELLY RODI VISIONNAIRE DE MODE
Interview donnée par Nelly Rodi en 2019. Propos recueillis par Laurence Donnay.
Aujourd’hui, dans l’univers du prêt-à-porter et de la Haute Couture, de plus en plus de créateurs, conscients des enjeux environnementaux, s’engagent dans une mode durable visant à minimiser l’impact environne- mental, à favoriser le commerce équitable et les ma- tières bio, à valoriser l’emploi local. Avec un secteur Textile-Habillement-Mode en perpétuelle évolution, quelle vision avez-vous du marché et des consomma- teurs de demain ?
Les débats ont été menés autour d’un axe fondamental aujourd’hui en matière d’environnement : l’évolution des consommateurs. Quatre profils types ont été dégagés. L’impatient, en quête d’instantanéité. Le Citoyen, inquiet sur la traçabilité des produits et les conditions de production. L’Humain, attentif aux personnes qui ont mis en œuvre les produits. Le dernier étant le Créatif qui souhaite intervenir dans les procédés de fabrication. Un aspect fondamental de l’étude, montre que ce sont les 20-30 ans les plus concernés par la problématique environnementale. On voit effectivement de nouvelles marques émerger avec cette conscience-là. Par ailleurs, je crois beaucoup au phénomène de “dé-consommation” : en 2018, la consommation de mode a perdu 2,9%. C’est historique pour le prêt-à-porter, on n’avait jamais vu cela depuis les années 60 ! Et 31% des consommatrices françaises ont acheté, cette même année, un vêtement déjà porté. C’est toute une industrie qui doit aujourd’hui se remettre en question.
Quels liens vous unissent à la Maison Mode Méditerranée ?
J’ai toujours suivi avec beaucoup d’attention le travail de Maryline Bellieud-Vigouroux depuis la création du musée de la Mode. En 2015, elle m’a invitée à participer aux Rencontres de la Mode organisées par la MMM. J’ai pu ainsi échanger sur mon expérience professionnelle avec les étudiants en master 1 et 2 des Métiers de la Mode et du Textile de l’Université Aix-Marseille. C’est avec plaisir que je reviens cette année à Marseille pour cette nouvelle édition d’OpenMyMed.
Quel regard portez-vous sur le concours OpenMyMed Prize? Pensez-vous que le style des “créateurs du Sud” soit marqué par leurs racines méditerranéennes ?
Je reste personnellement très attachée à la Méditerranée ayant vécu petite fille en Algérie. Suite aux événements qui conduisirent à l’indépendance du pays, nous sommes rentrés en France par Marseille. J’avais 14 ans. Lorsque je regarde les lauréats du concours depuis 10 ans, je trouve très attachant qu’ils aient réussi à conserver leurs racines et qu’ils les transmettent avec une vision très contemporaine dans leurs créations. JACQUEMUS est pour moi un très bel exemple de cette adéquation entre tradition et modernité.
Quels couturiers ont, selon vous, ouvert la voie à ce style méditerranéen ?
Je pense bien sûr à Christian Lacroix, l’Arlésien, à Saint Laurent, né à Oran et qui vécut au Maroc. Combien de fois ont-ils retranscrit ces inspirations dans leurs collections ? Avec un travail personnel sur la maille, Alaïa fut lui aussi très inspiré par le Sud, la Grèce antique plus particulièrement.
A l’occasion de cette nouvelle édition, vous allez rencontrer les lauréats du concours lors d’une conférence qui se tiendra entre Marseille et Aix-en-Provence, dans un lieu hors du commun, The Camp, campus d’innovation dédié à la ville de demain et à la transformation numérique. Quel sera le thème de votre intervention ?
J’y présenterai une partie des travaux résultant de notre programme prospectif Mode et Textile Scenarii 2030 dont nous parlions au début de cette interview. Ce campus est extraordinaire. Sa portée est telle que chez Total, par exemple, on reste très attentifs à tout ce qui s’y passe. On avait l’habitude de voir l’innovation venir du Nord, aujourd’hui l’influx vient du Sud.
Quel message souhaiteriez-vous à faire passer à tous ces jeunes créateurs ?
Je me suis rendue dernièrement à Marrakech où se tenait la Foire d’Art Contemporain d’Afrique. Le reproche que je pourrais faire aux artistes que j’y ai découvert, peintres, sculpteurs, photographes, c’est de rester « prisonniers » d’un certain folklore local. Je conseillerais aux représentants de la jeune génération de s’ouvrir au maximum à l’international sans sacrifier leurs origines en continuant de les injecter dans leurs créations.
Magazine OPENMYMED 2019 – MAISON MODE MÉDITERRANÉE