Hommage à Geneviève Sevin Doering, artiste et costumière – 27/04/2022
Le Fonds de Dotation Maison Mode Méditerranée rend hommage à la talentueuse Geneviève Sevin Doerin, costumière de Théâtre et artiste célèbre du 20ème siècle, décédée à Marseille le 12 avril 2022.
“Throwback”
En mai 1999, le Musée de la mode de Marseille et son conservateur Olivier Saillard célèbrent l’univers créatif de la costumière iconique, Geneviève Sevin Doerin “Le vêtement autrement”
Mireille Sevin Doering, sa fille, la créatrice Fred Sathal, l’historien Olivier Saillard, la psychiatre Mireille Bonierbale témoignent leur admiration pour cette artiste hors du commun.
Maryline Bellieud-Vigouroux, Présidente du Fonds de dotation MMM.
Le titre de l’exposition “Le vêtement autrement” livrait le cheminement d’un savoir faire et d’une conception inédite en terme de possibilités corporelles, de modernité technique, appliquées au Théâtre, au cinema et, à la mode.
Le théâtre occupera une part importante dans la vie de Geneviève Sevin Doering. Des années 60 aux années 90, elle collabore avec les plus grands metteurs en scènes, comédiens et artistes.
Après Gabrielle Chanel, Madeleine Vionnet, nous voulions avec Olivier Saillard, retracer pour le grand public la belle aventure de cette femme passionnante, présenter son oeuvre dans les aspects novateur par sa technique en une seule couture et, la poésie de ses patrons figures libres.
Dès ma première visite dans son atelier rue neuve Sainte Catherine, je fus totalement séduite par le couple quelle formait avec Reinhard Ubbelhode-Doreing, maître coloriste, aussi solide que leur collaboration était harmonieuse.
Femme théâtrale, pudique et d’une sensibilité rare, Geneviève me racontât son premier Don Juan pour le festival d’Aix en Provence, ses complicités avec les plus grands directeurs de scènes Georges Wilson, Jean Vilar, Léonor Fini, l’exposition d’Yvonne Deslandres “Le Prêt à Paraitre” et l’effervescence créative des couturiers de sa génération Paco Rabanne, Hechter, Courrèges.
Contestataire certes mais femme de génie elle déconstruisit les lignes établies et inventa un nouveau langage corporel en passant par la simplification du geste pour les vêtements de ville, comme de scènes.
Libérer le corps pour se mouvoir avec élégance ! Il vous suffit de voir côte à côte le patronage et le modèle réalisé pour adhérer à son inventivité qui a fait le tour du monde.
Geneviève a su transmettre sa technique, rompre en allant vers le renouveau.
Au sein de son atelier marseillais, elle distille aux jeunes talents de mode sa formule : “la conception du patron prime sur le temps du montage qui ne doit pas excéder plus de 15 minutes.”
Autrice d’une histoire de mode ou les habits font le moi.
Geneviève et Reinhard ont légué à leur élève de coeur, la créatrice plasticienne Fred Sathal, cette exigence dont elle dit : “Ensemble ils m’ont insufflé une vision de l’art, de la beauté, du sacrifice et de la récupération.” La volonté de créer hors des sentiers battus … le musée de la mode, dirigé par Sylvie Richoux, lui consacrait en 2009, l’exposition “Sathal Créatures”.
Olivier Saillard, historien de la mode, initiateur du courant Moda Povera, Directeur Artistique chez Weston et Administrateur de la Fondation Azzedine Alaïa nous livre ses mots :
“Comme les grands artistes de son temps, Geneviève Sevin Doering avait rêvé un vêtement idéal. Dans son atelier au charme fou, elle avait fait de cette utopie une réalité.
Ses vêtements d’une seule pièce coupée adoptaient une technique unique par elle mise au point. Les couleurs et les teintures n’avaient pas d’équivalent.
A force d’obstination, Genevieve Sevin Doering avait renouveler l’art du costume de scène de théâtre et bientôt elle influencerait une génération de couturier en herbe.
Il me revient avec émotion l’exposition que nous lui avions consacrée à Marseille. Plus qu’une mode , ses vêtements racontaient un langage, une philosophie qui serviront de guide encore pour plusieurs décennies.”
Mireille Sevin Doering, extrait Lifting revue du Musée de la mode, Marseille, 1999
“Il y a le vêtement , il y a le costume , et puis il y a le vêtement et le costume selon ma mère.
Par vêtements, on sous- entend plutôt la vêture quotidienne, usuelle, obligatoire, et aussi le sport, l’uniforme, les dessous ; le jean, le t-shirt… plus loi le mode de la mode, ses raffinements et ses délires. Le costume évoque surtout le théâtre et l’opéra, le folklore, des époques révolues et des civilisations extra- européennes aux habillement exotiques, son approche diffère cel porte u autre regard d’une exigence et d’une rigueur qui relèvent davantage d’une ascèse artistique que du travail de costumière. Sa soif de connaissance lui a fait explorer les mondes les plus divers, absorber autant de secoure, faire et d’informations que possible pour mieux transposer dans une discipline inattendue, le costume … La notion inspirée par ses recherches sur la coupe, que le sens du vêtement peut aller du haut vers le bas et que la couture d’épaule récente et artificielle, empêche le vêtement d’être autre chose qu’une boîte, plus ou moins confortable, plus ou moins équilibrée. Cette couture supprimée dans le plan de coupe pose le vêtement sur l’épaule. Un équilibrage mouvant et organique d’un tout, concept qui pourrait s’apparenter à Calder et ses mobiles.
Plusieurs grands prix lui ont été décernés, parmi lesquels la Médaille d’or Exempla 2000 ; Le Grand Prix Madeleine Renaud -Jean Louis Barrrault des Métiers d’Arts et du Spectacle.
Les mots de Fred Sathal, son élève de coeur.
“Geneviève Sevin Doering, conceptrice de costumes de scène, dépositaire du principe de coupe en un seul tenant, l’art du vêtement en mouvement, du geste libre, du corps libéré. Également, des plans de coupe, poétiques, graphiques, imparables, magiques et charnels.
Sa vie fut une recherche constante afin d’élaborer une technique et communiquer une vision du vêtement et de sa fabrication qui soient en harmonie avec l’ordre du monde. Tout fut prétexte à la recherche et au dépassement de soi, avec déjà ses propres incantations (“c’est une question de vie ou de mort”).
Geneviève Sevin Doering, m’a ouvert la voie d’une création totale, sans hiérarchisation et transversale. L’envie de faire, de croire, de vouloir et de continuer. Une inspiratrice, inclassable et unique.”
Mireille Bonierbale, Psychiatre
“J’ai dans les oreilles une phrase qu’on entend sans cesse dans les pays orientaux quand on s’arrête pour regarder quelque chose ; « entre, pour le plaisir des yeux .. » Les marchands savent reconnaitre la dilatation des pupilles, témoin du Désir qui s’exprime et en joue. Ici, la plaisir des yeux est infini et aussi le plaisir de l’Etre celui ou celle qui porte le vêtement et qui devient à la foi soi et l’autre. Soi de se sentir libre et sans contraintes, différent. Autre de ce qui se découvre de soi et de l’ histoire du costume porté … Je crois que c’est bien de volupté qu’il s’agit ici et cette dimension est rare et précieuse. Alors ne nous privons pas de la vivre. Plaisir des yeux, plaisir du corps, plaisir de soi, plaisir de l’autre, un autre vêtement est né.”