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Les archives textiles : un objet de mode pas comme les autres

Depuis 2020, le phénomène de vente de seconde main ne cesse de prendre de l’ampleur. En 2021, 6 européens sur 10 déclaraient avoir vendu au moins un vêtement d’occasion au cours de l’année (étude de l’Observatoire Cétélem). Cet avènement des consommateurs-vendeurs touche particulièrement les 18-34 ans qui représentent 77% des acteurs de ce business parallèle. Mais la seconde main, que l’on trouve en friperies ou via des plateformes de mise en relation de particuliers, n’est pas comparable aux archives de mode, nouveaux joyaux des marques, encore propriétaires de leurs pièces issues d’anciennes collections.

 

Parallèlement au boom des collaborations, lors desquelles des marques historiquement implantées proposent à de jeunes designers de ré-interpréter les anciennes collections, la tendance de la mode contemporaine tend vers une ouverture grand public sur les invendus. Ainsi, la marque française Amélie Pichard propose sur son e-shop une rubrique « petites annonces » dans laquelle ses clients mettent en vente leurs anciens achats de la marque à destination d’autres utilisateurs du site. Autre exemple, la marque Aigle a créé en 2021 une gamme « second souffle », proposant à la vente d’anciens modèles, certifiés en parfait état. Enfin, le chausseur Weston, dont Olivier Saillard est à la Direction Artistique, propose un service « J.M. Weston vintage » dans sa boutique parisienne. Il est possible d’y déposer une ancienne paire contre un bon d’achat, ou bien d’y acheter, à moindre coût, d’anciennes paires directement remises en forme par les ateliers de la marque.

 

Credit : JM Weston

 

De même qu’internet avait suscité l’engouement de la mode dans les années 2000, c’est aujourd’hui l’auto-gestion des archives qui séduit massivement les marques de mode, désireuses de produire une chaine de consommation responsable. Mais pas seulement. Grâce à la massification de l’emploi du terme « archive » dans les communications et stratégie de marque, de jeunes labels repensent le concept d’archivage lui même sous l’influence d’une culture du web qui mélange aisément les pratiques culturelles matérielles et immatérielles. Après tout, « archiver » signifie aussi bien recueillir, déposer, et classer. Autant de verbes qui rendent le travail des images (et autres objets de nos cultures) présents à notre patrimoine dans une permanence qui redéfinit jusqu’à la notion « d’Histoire ».

Parce que « archiver » consistait majoritairement à recueillir et classer pour un temps futur encore inconnu, un « au cas où » rassurant. Or, désormais, « archiver » dans la mode incite à une pratique de collecte puis de remise en circulation – souvent commerciale – d’objets et parures du passé afin de toujours conserver la mémoire mais de manière mouvante, avec des utilités quotidiennes et non plus seulement historiques.

« Archiver », c’est aussi, maintenant, une manière de réactiver la mémoire de mode en actualisant un imaginaire créatif qui refuse de se plier à la brièveté des tendances de mode. Les archives deviennent une ressource contemporaine et permanente, ultra-visible. Ainsi, le web en tant qu’outil de communication de l’éphémère, devient un lieu où l’histoire de la mode peut-être un outil du présent grâce à une mise en avant d’images et autres archives ré-actualisées par le simple fait d’être publiées.

 

Ghost of the Roaring 20’s – Printemps Eté 2022

 

La marque française Tata Christiane, spécialisée dans l’upcycling et la création de pièces uniques, est boursière du Fonds de Dotation Maison Mode Méditerranée (promotion 2021-2022), qui lui a permis de développer sa nouvelle version online. Fondée en 2013 par Julie Bourgeois et basée en Allemagne, a ainsi lancé en 2022 son propre fond d’archives sur son nouveau site. Encore évolutif, et sans doute aussi infini que la multitude d’images accessibles sur internet, ces archives d’images de collections ont pour but de consolider l’histoire visuelle de la marque. Preuves d’un récit narratif qui évolue selon une trame esthétique constante, ces images assurent la présence des vêtements modèles produits par le passé. Entre exploration sémantique du terme « archive » et questionnement sur la notion d’archives de mode, la marque nous montre des archives vestimentaires mais accessibles seulement… en images.

Au total, ce seront plus de 4000 pièces sous formes d’archives numériques qui seront exposées et en libre accès, comme un moodboard interactif qui a aussi pour volonté de susciter des inspirations extérieures et variées. Et justement, les tableaux inspirants de la plateforme Pinterest sont le lieu privilégié pour ce travail d’archivage entrepris par Tata Christiane qui privilégie dorénavant une communication visuelle répertoriée par mots-clés qui reflètent son univers (« artisanats magiques », « costumes traditionnels », « up-cycling fashion »,…) en même temps que les images peuvent être appropriées et insérées différemment aux univers des autres utilisateurs de la plateforme.

 

Destroy Romantic – Automne Hiver 2020/21, Tata Christiane

 

En parallèle, la marque transforme actuellement son atelier berlinois en un espace de workshop et salon d’essayage où les modèles uniques seront accessibles aux client.e.s en physique. A cette cabine intimiste et immersive, s’ajouteront des ouvertures temporaires permettant de visiter les lieux.

L’accès à l’univers physique de la marque, devient un point d’entrée vers son étendue sur internet, où le nouveau site cumule éditoriaux, images d’archives, collections, et ventes en direct. L’exploration devient hybride et accessible sous diverses formes dans une invitation didactique qui facilite l’immersion dans l’esthétique Tata Christiane. Marque également spécialisée dans le vintage et les textiles upcyclées, donnant ainsi une seconde vie – cette fois matérielle – aux objets de mode qui environnent nos espaces. Les termes phares de la mode contemporaine sont employés au pied de la lettre. L’upcycling devient une technique de valorisation de l’existant sous toutes ses coutures, le vintage incite à la modernisation de l’ancien, et l’archive permet le classement d’inspirations pour le futur.

 

 

Collection Inventory, conçue à partir de chutes des collections précédentes

 

L’archive, en tissus ou en images, est donc explorée dans toutes ses dimensions pour répondre à une urgence qui dépasse le champ de la mode : créer à partir de l’existant et faire-avec nos productions passées. Jusque dans les inspirations (Jacques Prévert, époque Romantique,…) les archives de notre histoire culturelle commune sont exploitées au sein de l’univers propre à Tata Christiane.

Le nom de la collection Printemps/Été 2022, « Ghost of the roaming 20’s », prend alors des allures aussi ironiques que mystiques. La véritable tendance de fond devient un voyage dans le temps qui nous incite à réactualiser nos repères et à déclasser nos habitudes.

Dans la mode contemporaine, les archives se construisent donc collectivement et occupent les devants de la scène afin de multiplier leurs usages. Inspirantes, communicantes, ou encore marchandes, les archives de mode sont davantage explorées en tant qu’outil de création au potentiel sans cesse renouvelé.

 

Saveria Mendella, doctorante en études de mode et titulaire de la bourse recherche 2021 du Fonds de dotation Maison Mode Méditerranée

 

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