“Simplement jaune” : visite guidée au Château Borély
« Simplement Jaune, dans les collections du Château Borély »
Visite guidée par Laurence Donnay, assistante de conservation et médiatrice culturelle au sein du Musée des Arts Décoratifs de la Faïence et de la Mode de Marseille.
« Le jaune, couleur à la fois mouvante et permanente, se retrouve aussi bien dans les architectures et céramiques méditerranéennes que dans les collections des créateurs issus de cette zone du monde. » écrit Saveria Mendella , doctorante en langage de la mode et boursière 2021 du Fonds de Dotation Mode Méditerranée. Omniprésent sur les podiums de la Fashion Week Homme qui s’est tenue ces dernières semaines à Milan et Paris, le jaune est une couleur phare de ces dernières saisons.
Le Musée des Arts décoratifs, de la Faïence et de la Mode de Marseille a puisé dans ses archives modes, datant des années 1930 à 2000 pour illustrer toutes les nuances de jaune imaginées par des créateurs comme Paco Rabanne, Rabih Kayrouz ou Christian Lacroix. Visite guidée au travers de cette exposition lumineuse avec Laurence Donnay, assistante de conservation et médiatrice culturelle au sein du Musée des Arts Décoratifs de la Faïence et de la Mode de Marseille.
« Lumineux, associé à la vie et à l’énergie, le jaune est une tendance que l’on observe après de grands conflits, signe d’un optimisme retrouvé, ou en temps de crise, d’un besoin d’espoir. L’accrochage « Simplement jaune » confronte la céramique et la mode et permet d’évoquer l’histoire de cette couleur qui, dans l’antiquité, symbolisait la prospérité et la richesse, avant de tomber en disgrâce au Moyen Age. Son retour passera notamment par les artistes peintres qui, au XIXe , attirés par la lumière, descendent dans le Sud peindre sur le motif : avec les Impressionnistes,Van Gogh, Bonnard et les Fauves, puis ensuite l’abstraction et ses couleurs primaires, le jaune reprend des couleurs ! Aujourd’hui, il fait partie des couleurs phares. Mode, déco, vie quotidienne, le jaune « illuminating » rayonne !
Ancienne chambre de Monsieur Borély
Ces deux grands vases des années 1930 de la manufacture marseillaise de Saint-Jean-du -Désert, aux couleurs et motifs emblématiques de la Provence – fonds « soleil couchant », pins parasols, Vincent et Mireille, Arlésienne et tambourinaïre en ombres chinoises – dialoguent avec les modèles de Jean-Rémy Daumas et Guy Laroche. Pour le premier, un manteau sportswear issu de la collection New Toutou, et un ensemble spencer et pantalon en moire. Créateur de prêt-à-porter, ancien modéliste chez Jean Patou, Jean-Rémy Daumas restera fidèle à sa formation initiale, la haute couture, par l’emprunt des matières et des techniques. Pour le second, Guy Laroche, une robe jaune asymétrique ornée d’un oiseau noir posé sur la manche, un peu comme les cigales disposées sur les grands vases.
Paco Rabanne – Haute Couture 1988
En majesté devant l’oeuvre contemporaine de Magdalena Gerber, cette robe haute couture signée Paco Rabanne est une parfaite illustration de l’esprit novateur du créateur espagnol. Pièce unique, elle marie un corsage constitué de plaques de métal articulées par de petits anneaux, marque de fabrique de Paco Rabanne, à une jupe à l’allure très couture avec ses grandes fleurs en organza jaune-or.
Rabih Kayrouz – Haute Couture années 2000
Au coeur de la chapelle, cette robe du soir du couturier libanais Rabih Kayrouz, déploie toute son ampleur. Au bustier en tulle rose rebrodé de paillettes viennent s’accrocher de larges pans constitués de boudins de coton enveloppés de ce même tulle. L’architecture intérieure du vêtement est très précise, Rabih Kayrouz travaille l’énergie du mouvement comme une sculpture à même le corps.
Delapierre 1957 – Poppy Moreni 1992 – Jean Rémy Daumas 1987
Le jaune irradie la chambre des invités !
Couleur pop, fausse fourrure, esprit sportswear, le manteau de Jean Rémy Daumas symbolise à lui seul l’esprit de liberté créative des années 1980. Inventif et plein d’humour , Daumas fait partie de cette génération de couturiers et créateurs pour qui la mode est un véritable moyen d’expression.
À ses côtés, l’italienne Popy Moreni, oppose dans cet ensemble boléro et jupe-patineuse en tulle au jaune mimosa un noir profond. Inspirée par les univers baroques et colorés du cirque, du théâtre et notamment de la comedia dell’arte, Popy Moreni crée des « vêtements-costumes de scène ». Ses collections témoignent de cet esprit festif qui anime la mode de ces années « chic et choc ».
L’ensemble bustier et short en lin, signé de la Maison Delapierre, date de 1957. Créée à Nice dans les années 1920, Delapierre fait partie de ces maisons de mode qui fleurissent sur la Côte d’Azur après la seconde guerre mondiale et participeront tout autant à la promotion de la région Sud qu’à l’émancipation du corps féminin. Alternative à la mode parisienne, ce « look Riviera » propose un prêt-à-porter haut de gamme, moderne, aux couleurs vives, dans des matières légères et respirantes comme le lin. Séduite par une toile à peindre en lin brut, Madame Delapierre entreprend des recherches sur cette matière alors inusitée dans le domaine de la mode et conçoit sa première collection qui remporte un succès d’estime auprès de ses pairs.
- Christian Lacroix – Haute Couture Printemps Été 1994
- Carla Bruni Sarkozy défile pour Christian Lacroix – 1993
Christian Lacroix, couturier arlésien qui se destinait à être conservateur de musée, inscrit la Provence dans ses collections. Associée à un pantalon jaune banane , cette veste-redingote s’inspire des robes à la française par cette « pièce d’estomac », ornée de broderies de la maison Lesage, mais également des caracos et corps souples du XVIIIe siècle. Lacroix propose une mode baroque, luxuriante de métissages et fait de la mode un art décoratif.
Lanvin – Haute Couture années 1960
Sur cette robe Lanvin, signée Jules-François Crahay, le jaune semble venir d’Orient : des saris indiens teints au curcuma au jaune impérial chinois. Jules- François Crahay reprend les codes de la maison Lanvin, avec ces lignes pures et féminines, cette passion pour la couleur associée à des techniques d’ornementation innovantes, et s’inscrit dans la modernité comme la fondatrice de la Maison le faisait à son époque : ce modèle reflète parfaitement cette fin des années 60, l’ouverture sur le monde, au multiculturalisme et les inspirations « flower power » des broderies chères à Lanvin.
- Jean Dessès – années 1950
- Guy Laroche – 1993
Une même nuance de jaune peut créer un vêtement radicalement différent selon les époques, la coupe et les matières : ce jaune mimosa excentrique vu chez Jean Rémy Daumas devient très classique sur cette robe du soir des années 50 signée Jean Dessès. D’origine grecque, ce couturier était très connu pour la virtuosité de ses drapés et plissés en mousseline. Parmi ses assistants, citons Guy Laroche dont nous présentons deux silhouettes dans des nuances sable, évoquant l’aridité du climat du Sud. »
Nous remercions Laurence Donnay, assistante de conservation et médiatrice culturelle au sein du Musée des Arts Décoratifs de la Faïence et de la Mode de Marseille pour cette visite guidée au passionnante.
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