Fashion Week Homme : L’Hiver 2022/23 de Louis-Gabriel Nouchi, lauréat 2018
Les lieux nocturnes, marqués par les fermetures liées à la pandémie, et fréquentés en son temps par le poète Charles Baudelaire, étaient à l’honneur. Précisément, ce sont les vêtements que l’on porte la nuit, dans les nightclub, qui ont tracé le fil rouge de cette collection. Les silhouettes, dénudées et à la peau moite, dévoilaient des zones du corps masculin pas assez explorées à l’instar des hanches qui dépassaient de pantalons taille basse, ou des torses mis en avant grâce à des grands décolletés.
Côté motifs, l’opium, si cher à Baudelaire, fait surface en effet psychédéliques, et le papier marbré, nouvelle signature de la marque, a été permis par une technique d’impression numérique réalisée en Italie. Le directeur artistique, originaire de Marseille, a souhaité utiliser des matières naturelles qui consomment moins d’eau, telles la viscose et la laine afin, aussi d’offrir plus de confort pour des pièces durables comme les maillots de bain en nylon recyclé.
Les déchirures des vêtements, qui fascinent Louis-Gabriel Nouchi, sont visibles sur les mailles acétates confortant ainsi la démarche éthique de production entreprise par la marque.
Côté couleurs, la palette chromatique du créateur méditerranéen se composait de tons clairs et pastels, désormais marqueurs du mouvement genderfluid, ainsi que d’un jaune vif, tranchant avec la douceur des autres pièces. La couleur jaune, identifiable sous de multiples manifestations variant de l’or à l’orange, est en ce moment à l’honneur au Musée de la mode de Marseille, Château Borély. Le jaune, prisé des couturiers méditerranéens tels Christian Lacroix et Paco Rabanne, est une couleur permanente du langage vestimentaire depuis le 18ème siècle. L’exposition « Simplement jaune » retrace son histoire textile et les variétés de teintes qu’elle renferme en présentant en exclusivité des pièces d’archives de la collection de mode du musée. Nous partagerons bientôt une visite guidée de l’exposition, avec Laurence Donnay, conférencière et experte mode au Château Borély.
Les symboliques multiples, allant de la richesse à la luminosité solaire, ont toutes en commun de représenter des aspects naturels et culturels de la Méditerranée. Commune au lexique des créateurs issus du bassin méditerranéen, la couleur jaune a été symbole de tromperie jusqu’à la fin du Moyen-Âge, comme le rappelle l’historien Michel Pastoureau dans une interview accordée au magazine Les Inrocks . Un clin d’oeil à l’histoire et aux rencontres nocturnes qui semble parfaitement correspondre aux soirées aventureuses dans les boites de nuit ayant inspirées Louis-Gabriel Nouchi pour sa collection. Aujourd’hui symbole de la colère, le jaune ne cesse d’être sur les devants de la scène et de faire évoluer ses représentations dans l’imaginaire collectif. Pourtant, la Haute Couture s’en est emparée dès le 19ème siècle, du fait de la richesse même des symboliques que le jaune renferme, au delà de la richesse signifiée par la couleur or qui en découle.
Le jaune, couleur à la fois mouvante et permanente, se reflète sur les architectures des villes solaires, se retrouve dans les céramiques méditerranéennes, et jusque dans les collections des créateurs issus de cette zone du monde. Comme le décrit Charles Baudelaire dans son poème intitulé Le Soleil, « il descend dans les villes, il ennoblit le sort des choses les plus viles ». La collection sensible et sensuelle de LGN contribue à renforcer l’idée d’une évolution constante des représentations chromatiques de notre quotidien.
Saveria Mendella, doctorante en études de mode et titulaire de la bourse recherche 2021 du Fonds de dotation Maison Mode Méditerranée