Interview : Bechar El Mafhoudi, fondateur du Festival de Mode de Casablanca
Toujours proches de ses membres et amis de la Méditerranée, le Fonds de Dotation Maison Mode Méditerranée a échangé avec Bechar el Mafhoudi, diplômé en 2015 du Master des Métiers de la Mode de l’Université Aix-Marseille, initié par la Maison Mode Méditerranée. Fondateur du Festival de Mode de Casablanca, marocain impliqué dans la création contemporaine et fin connaisseur de la Méditerranée. Bechar el Mafhoudi revient pour nous sur ce que signifie transmettre la mode et sur son parcours, fondateur d’une mode marocaine contemporaine.
- Quels étaient les objectifs du Festival de la mode de Casablanca ?
Lorsque j’ai initié l’événement Festimode, mon objectif était de mettre en avant une mode marocaine qui se libérait des stéréotypes traditionnels. Nous avons alors, avec mon ami Jamal Abdennassar, lancé en 2006 le premier événement proposant une mode marocaine avant-gardiste, fédérant les principaux acteurs de mode aux Maroc et soutenu par un réseau de partenaire à l’étranger. Nous avons pu instaurer, dès la deuxième édition, une plateforme mode incontournable pour les créateurs confirmés et un véritable tremplin pour les jeunes créateurs.
- Comment qualifierez-vous le style contemporain en Afrique ?
L’Afrique est un continent très riche de multiples identités culturelles mais plusieurs racines et origines nous rassemblent. Un continent qui a été – et qui est toujours- une riche source d’inspiration pour les créateurs de mode et du design dans le monde. Le style contemporain en Afrique est multiple ; il est à l’image d’un continent en mouvement. A l’opposé du style « des écoles du nord », on ose des contrastes des couleurs, on joue avec différents vestiaires et on ré-interprète, librement, des codes vestimentaires d’inspirations africaines.
- La marque, CASABLANCA, finaliste du concours LVMH revendique sa filiation marocaine. Est-ce une preuve de l’évolution de la mode internationale et d’une scène de mode marocaine que vous avez contribué à fonder ?
Depuis le lancement de l’événement en 2006, et par la suite la création de l’association des créateurs de mode en 2009, beaucoup de choses se sont passées sur la scène de la mode au Maroc. Nous avons contribué à l’éclosion d’une nouvelle génération de créateurs de mode mais la « movida » marocaine était déjà là, dans l’art et surtout dans la musique. Le riche terroir actuel des créateurs au Maroc est la suite de cette belle mouvance des années 2000 qu’a connues la ville de Casablanca. Les « success story » des nouveaux créateurs d’une mode contemporaine à Casablanca ont suscité des véritables vocations chez les jeunes.
Pour le talentueux Charaf Tajer, créateur de la marque CASABLANCA, le contexte est différent, sa mode est résolument urbaine et internationale mais l’héritage de ses origines est esthétiquement présent dans sa démarche et son discours. On sent chez lui une volonté de mettre en valeur la richesse de sa double culture franco-marocaine.

Collection Automne Hiver 2021-22 – CASABLANCA
- Quels sont vos liens avec le Fonds de Dotation Maison Mode Méditerranée ?
Un lien très fort qui date de la préparation de la deuxième édition de Festimode (en 2007). Mais c’est surtout un lien cristallisé autour d’une personne, Maryline Bellieud-Vigouroux, ma marraine de mode. Elle a cru en notre projet et nous a fortement soutenu. La MMM a été un véritable levier de rencontres et de construction de notre réseau dans le pourtour méditerranéen.
Par la suite, la Maison Mode Méditerranée a accompagné le lancement de l’AMC Mode (L’Association Marocaine des Créateurs de Mode) qui a démarré avec un cycle d’ateliers de mode, des événements regroupant les acteurs de la mode au Maroc et un accompagnement personnalisé de jeunes créateurs.
Je citerai également le soutient de la MMM et son accompagnement lors du lancement de la plus grande école de mode au Maroc CASA MODA ACADEMY crée par l’AMITH (L’association marocaine des industriels de textile et d’habillement) en 2010.

Défilé des étudiants de la CASA MODA Academy
- Très tôt vous avez enseigné les arts appliqués dans des écoles de mode, notamment à l’école CASAMODA Academy, première école de mode en Afrique et, maintenant en France. Comment la transmission de valeurs fortes se traduit-elle dans votre parcours d’enseignant ?
J’ai commencé à enseigner très jeune sans doute parce que j’avais ce désir de transmettre et d’accompagner. Le métier d’enseignement demande une grande écoute, des capacités relationnelles, associées a un travail psychopédagogique. Il faut faire preuve d’ une capacité d’adaptation à l’évolution des méthodes d’apprentissages mais, avant tout c’est un travail d’équipe autour du projet pédagogique.
Ma plus enrichissante expérience d’enseignement a été CASA MODA ACADEMY. Première école supérieure de mode semi-publique du Royaume. J’ai eu le plaisir d’intégrer la première équipe pédagogique formée et accompagnée par les experts de l’Atelier Chardon Savard Paris. Des mises à niveau et des formations continues qui m’ont permis de valider mon Master des métiers de la mode à l’université d’Aix-Marseille : Encore un fruit de la Maison Mode Méditerranée ! La formation est la première clé pour répondre à la demande du milieu professionnel de la mode, en prenant en compte les nouvelles attentes pour une mode plus responsable et plus durable.
Je continue à intervenir aujourd’hui en France comme enseignant dans les arts appliqués et dans les formations liées aux métiers de la mode en parallèle avec l’organisation du projet culturel CASA DRAWING co-fondé avec mon ami l’artiste Yassine Balbzioui.
- Si vous deviez, en une phrase, résumer ce que représente pour vous le travail de la Maison Mode Méditerranée : que diriez-vous ?
Une structure unique qui a toujours su fédérer les acteurs du milieu professionnel de la mode autour d’une école stylistique forte dans le pourtour méditerranéen et apporter l’accompagnement adapté aux créateurs de mode.

Maryline Bellieux Vigouroux et Bechar El Mafhoudi