Nouveau : la MMM se transforme en fonds de dotation.
Au printemps 2021, la Maison Mode Méditerranée fait sa mue et devient un fonds de dotation. A cette occasion, Maryline Bellieux Vigouroux, fondatrice de la Maison Mode Méditerranée et Présidente du fonds de dotation, raconte la transition vers le fonds de fotation Maison Mode Méditerranée. Dès 2021, nous nous engageons à soutenir une plus grande variété de projets de mode. Une mutation expliquée dans cette interview.
En 1988, vous initiez à Marseille le Musée de la Mode au sein du Château Borély. Quelle était votre motivation ?
Cette initiative fut prise en concertation avec le Président Azzedine Alaïa, le Directeur Général des Musées de Marseille, Germain Viatte et l’adjoint à la Culture, Christian Poitevin. Plusieurs objectifs étaient fixés liant la Culture, la Méditerranée et les jeunes créateurs de Provence et du pourtour Méditerranéen.
Pour constituer le premier patrimoine du Musée de la Mode, Azzedine Alaïa fut un généreux donateur et le monde économique marseillais y participa. Ce qui nous permit d’acquérir des ensembles Haute couture à partir de 1945, et de solliciter des donations. Certaines acquisitions ou dons furent offerts au Musée de la Mode et d’autres nous appartenant, mis en dépôt.
En 1988, la première exposition en France « Chanel : Passé Présent » prit place au Musée Borély, puis en 1990 le Palais Longchamp, a accueilli l’exposition Balmain et 1991 Madeleine Vionnet à la Vieille Charité, en attendant l’ouverture en 1993 de l’Espace Mode sur la Canebière.
Cinq ans plus tard, l’Espace Mode Méditerranée naissait à Marseille, sur la célèbre artère, la Canebière. Qu’est-ce que ce projet a apporté à la ville ?
Cette réalisation s’inscrivait dans la réhabilitation de la Canebière. L’originalité de ce concept ne tenait pas seulement dans la création d’un musée de la mode mais aussi dans l’ouverture d’un centre de documentation multimédia, d’une librairie, ainsi que d’un lieu d’accueil des associations de mode. L’Espace Mode Méditerranée était un point d’ancrage culturel et économique résolument tourné vers le futur. Malheureusement la ville de Marseille prit la décision en 2010 de le fermer pour accueillir en 2013, l’Office du Tourisme.
A partir de l’année 2010, vous créez le concours OpenMyMed pour dénicher, sélectionner, et accompagner des talents européens et africains dans le développement de leurs marques de mode. Qu’est-ce que cette expérience, qui a duré dix ans, vous a appris sur les modes de créations et la relève créative ?
C’était une décision collégiale prise avec le Conseil d’Administration composé de dirigeants de maisons de luxe – comme Chanel et LVMH – ainsi que des industriels Marseillais tels que Sessun, Kaporal…et des équipes pédagogiques de l’Université Aix-Marseille (avec laquelle nous avons créé la formation Management de la Mode).
Fort d’une expérience acquise, nous souhaitions élargir notre territoire autour du bassin méditerranéen en y associant la nouvelle génération de créateurs.
Sur les dix années passées, ce concours OpenMyMed nous a permis de constituer une singularité parmi tous les concours existants.
Chacun des 117 lauréats ont participé à définir les nouvelles caractéristiques inscrites dans un courant culturel méditerranéen, de suivre leur évolution vers une mode respectueuse et engagée autour du craft, high tech, care et give-back.
Votre parcours a croisé celui des plus grands noms du secteur de la Haute couture comme de l’industrie de la Mode.
Tout en travaillant sans relâche je mesure ma chance d’avoir pu bénéficier des expériences et des conseils de toutes ces personnalités sans lesquelles rien n’aurait été possible.
J’ai souhaité partager sur nos réseaux sociaux 48 belles rencontres et histoires de Mode au travers des expositions de 1988 à 2019, co-produites avec le Musée de la Mode.
Dans mon parcours, j’ai eu un mentor, Azzedine Alaïa et et deux modèles, l’une à Marseille Edith Garson Maitre Couturière et, Françoise Montenay à Paris, première femme à occuper le poste de Présidente Directrice Générale Mode et Division Parfums d’une des plus belles Maisons française, Chanel, dont elle préside depuis 1994 le conseil de surveillance.
En 2021, la Maison Mode Méditerranée cesse son activité et vous créez le Fonds de Dotation Maison Mode Méditerranée. Qu’est ce que ce changement implique ?
Cette décision a été pensée en amont avec nos administrateurs en analysant le bilan des missions sur trente années d’existence.
Les engagements que nous avions pris à la fois culturels, universitaires et économiques, liés à un territoire franco-méditerranéen, ont été tenus et nous ont permis de mettre un terme à l’association. Cependant à l’unanimité, nos administrateurs ont souhaité que les valeurs de la Maison Mode Méditerranée se poursuivent différemment dans la création d’un Fonds de Dotation.
Nous avons défini une stratégie : celle de soutenir des projets d’intérêt général, culturels et scientifiques portés par des enseignants, chercheurs et créateurs liés au partage de la connaissance et à la transformation des métiers de la Mode. Pour financer de nouveaux projets, la décision du Conseil d’Administration a été prise de nous séparer d’une partie de notre collection en confiant la vente à l’étude Cornette de Saint Cyr.
La préparation de cette vente s’est faite en étroite collaboration avec la direction des Musées de Marseille. Nous avons répondu à leur demande en leur offrant plusieurs pièces prestigieuses dont le manteau, pièce unique, réalisé par Azzedine Alaïa pour le bicentenaire de la Révolution Française. Le Musée conserve 5000 pièces historiques, dont 80% données par la Maison Mode Méditerranée (qui était l’Institut Mode Méditerranée à cette époque).
Quels sont les objectifs du Fonds de Dotation Maison Mode Méditerranée ?
J’ai accepté la Présidence pour ce premier mandat et nous souhaitons avec les administrateurs solliciter des personnalités afin de constituer un comité stratégique pour nous appuyer sur leurs compétences en sélectionnant les candidatures en lien avec les valeurs définies dans les appels à projets. Le mécénat sera nécessaire pour que le Fonds de Dotation MMM puisse durer dans le temps et co-financer les projets.
La crise sanitaire mondiale nous montre à quel point la jeunesse doit être encouragée et soutenue dans leurs projets inscrits au cœur de la mutation des métiers de la Mode. Notre priorité sera de répondre au mieux à leurs attentes.
Que peuvent venir chercher les professionnels de la mode grâce au Fonds de Dotation Maison Mode Méditerranée ?
De les accompagner dans des projets culturels, créatifs, ou même de recherche. Nous avions en 2020 anticipé le volet formation et recherche sur trois ans en soutenant une doctorante en contrat CIFRE (co-financé par le Fonds de Dotation et le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche). Cette thèse, inédite sur la mode, s’inscrit dans un volet scientifique et sur un plus long terme dans l’analyse du Fonds de Dotation.
Votre singularité dans cette approche méditerranéenne de la mode est-elle un avantage pour le secteur dans son ensemble ?
Marseille est une ville tournée depuis des millénaires vers la Méditerranée. Culture, migration, métissage lui donnent une signature internationale dans laquelle la jeunesse en est le moteur.
La mode fédère des passions communes, en lien avec l’évolution d’un savoir-faire textile historique. Notre data base nous a permis de mettre en avant les caractéristiques d’un courant stylistique et esthétique méditerranéen dans 21 pays de la rive Sud, dans lesquels désormais le Maroc, l’Egypte, la Tunisie, la Croatie…ont une réelle légitimité créative. Cette Méditerranée culturelle que nous affectionnons a toujours été porteuse de talents et d’influences, hier comme demain.